mardi 16 novembre 2010

Karnivool : l'interview avec H&K !

Chez H&K, on met les petits plats dans les grands ! N'écoutant que l'appel avide de ses lecteurs, votre serviteur n'a pas hésité à traverser des océans entiers pour discuter le bout de gras avec Jon Stockman, le talentueux bassiste du groupe australien Karnivool. Après deux albums que je vous recommande chaudement (Themata [2005] et Sound Awake [2009]), le groupe se forge progressivement une solide base de fans. Qui sont-ils, que jouent-ils, quels sont leurs projets ? Bonne lecture...

H&K : Commençons par présenter Karnivool aux lecteurs qui n'auraient pas encore entendu parler du groupe...
Jon : Salut à tous ceux qui lisent cet article ! Nous sommes Karnivool, nous sommes de Perth, Australie occidentale, la ville la plus lointaine du monde. Nous jouons une musique à la fois progressive, lourde et mélodique et ce depuis douze ans environ. A ce jour, nous avons effectué une seule tournée europenne qui, bien que courte, a été extrêmement agréable de notre point de vue, et pour les gens qui y ont participé aussi, du moins je l'espère. L'Australie est un pays très jeune et c'est super de visiter une partie du monde plus ancienne et établie comme l'Europe. Nous ne savons pas encore beaucoup de choses à propos de tous les différents pays, mais nous espérons qu'après quelques autres tournées, nous serons plus familiers avec les étonnantes compétences brassicoles en Belgique... peut-être qu'un jour les producteurs de bière australienne auront autant de talent...

H&K : La scène musicale australienne est relativement peu connue, peut-être en raison du défi que représente une tournée internationale pour les jeunes formations. Comment décririez-vous cette scène ?
Jon : En ce qui me concerne, cela a été la folie. J'ai rejoint le groupe au milieu des années 2000 et il nous a fallu du temps pour commencer à se faire connaitre en Australie -- mais il semblait y avoir un marché pour notre musique, c'est juste que notre style n'était pas encore commercialement très porteur. Nous n'avons bénéficié que de peu de temps d'antenne au début, mais le bouche à oreille a fait des merveilles. C'était une expérience étonnante de se rendre compte à quel point le public grossissait au fur et à mesure des concerts, et nous en sommes aujourd'hui à un stade où nous pouvons nous appuyer sur une base de fans aussi loyale que n'importe quel groupe pourrait espérer.

Finalement, je pense que nous n'en savons pas assez sur les autres scènes à travers le monde... les comparer à ce qui se passe en Australie serait donc inutile. Nous ne sommes pas le genre de groupe dont le but ultime est d'écrire un méga-hit qui vous colle dans les oreilles comme une pub envahissante... ce qui nous intéresse, c'est d'écrire des morceaux moins accessibles pour nous-mêmes, en espérant que cela parlera aux gens qui nous écoutent et se rendent compte de l'effort que nous y mettons. Il est évident qu'il est plus difficile de percer dans un marché international, mais nous espérons pouvoir reproduire à une plus grande échelle ce que nous avons réalisé en Australie. Et nous espérons sincèrement que le public répondra présent, en particulier en Europe.

H&K : Vous avez gagné le "Best Hard Rock Act" en Australie après votre premier album studio, Themata. Vous identifiez-vous à la scène hard rock ?
Jon : Cette récompense nous a été attribuée dans le cadre du festival WAMI (Western Australian Music Industry) à Perth. Par le passé, nous écrivions de la musique aux accents plus lourds, surtout si on considère notre EP Persona [en 2001]. Donc oui, à l'époque, nous étions nettement plus heavy que ce que nous avons tendance à jouer actuellement, à savoir du rock progressif mélodique. Nos concerts s'appuient sur une ambiance extrêmement énergique, dont nous nous servons aussi bien pour abreuver le public que pour nous en nourrir... comme une sorte de mouvement perpétuel. Beaucoup de groupes australiens de cette scène nous ont emmenés en tournée, nous avons pu jouer quelques festivals, et c'est à ce moment que nous avons pu progresser à l'échelle nationale. Nous essayons de ne pas être cantonnés à une catégorie bien définie -- nous essayons toujours de repousser les limites de ce que nous attendons musicalement de nous-mêmes, et nous aimons aussi challenger nos fans avec des nouveaux morceaux qui peuvent souvent être tout sauf heavy.

H&K : Themata a ses moments heavy (comme Roquefort et L1FEL1KE), mais le second album studio Sound Awake est plus complexe et progressif.
Jon : Oui, je suis totalement d'accord, c'est exactement là où je voulais en venir avec la question précédente. Lorsque nous avons écrit Themata entre 2001 et 2005, nous sortions de Persona qui était plus lourd voire metal, même si, lorsque j'écoute certains morceaux aujourd'hui, je peux retrouver des éléments de nos influences. Je me reconnais plus dans ce qu'on a fait à partir de Themata parce que je pense que nous avons commencé à développer quelque chose de plus caractéristique et de plus personnel à partir de ce point. Avec Themata (qui a été principalement écrit par Drew et Ian), Drew a passé beaucoup de temps à écrire les lignes de guitare, à programmer la batterie, et à avoir finalement ces bouts de musique dans tous les sens comme un puzzle très compliqué, ce qui a mis du temps à se mettre en place. L'album a été construit à travers la perspective et la vision d'une seule personne, véritablement. En contraste, Sound Awake résulte d'un effort collectif -- Drew a laissé tomber la programmation, Steve s'est mis à écrire les parties de batterie lui-même, et les chansons ont été façonnées par les commentaires de chacun. Nous avons aussi pas mal jammé et je pense que les éléments proggy proviennent de ces sessions. Nous aimons la musique progressive, mais nous ne tentons jamais de forcer un aspect progressif sur chacune de nos chansons. Mais quand un tel aspect nait pendant un jam, alors il a généralement déjà un groove bien particulier, plutôt que d'être une sorte de formule toute faite.

Roquefort


L'autre différence avec Themata, c'est que Sound Awake bouillonne de plein de trucs différents, nous avions presque trop d'idées et chacun voulait tout mettre dans chaque chanson ! Comme nous avons passé beaucoup de temps dans notre jam room, nous avons commencé à écrire des sections qui constituaient une ossature minimale, mais qui avaient ce poids incroyable et qui sonnaient tellement différent de tout ce que nous avions fait avant. D'une certaine manière, la dynamique à travers Sound Awake mimique les jams qui ont donné naissance aux chansons et dans ce sens, l'album est la représentation la plus proche du son du groupe à ce jour.

H&K : Exhauceur de souhait #1: la chanson que vous auriez aimé avoir écrite ?

Jon : Probablement Lover You Should Have Come Over de Jeff Buckley. Il y en a beaucoup d'autres, mais je pense que celle-ci est impeccable et très émouvante aussi bien lyriquement que musicalement.

H&K : Quelles sont vos influences ? Ma première réaction à l'écoute de vos albums fut "Voici un groupe qui semble apprécier Tool et A Perfect Circle"...
Jon : Haha ouais, on nous le dit souvent... beaucoup de gens nous accusent même d'être des "wannabes" de Tool, ce qui est à la fois malheureux et débile. J'aime beaucoup ces deux groupes, mais il y a tellement d'autres groupes que j'aime tout autant et certains plus encore, que ces deux-là en particulier sont finalement une influence parmi plusieurs centaines. J'ai toujours l'impression de recevoir de la musique intéressante et rafraichissante de la part de Drew, qui est toujours à la recherche de nouveaux groupes essayant de faire quelque chose de différent. Le dernier groupe qu'il m'a fait découvrir est The Books... ils m'ont vraiment impressionné par leur production tout à fait unique. Personnellement, ma plus grande influence serait probablement Radiohead, j'aime tout ce qu'ils ont fait et je pense qu'ils semblent avoir quelque chose qu'aucun autre groupe ne possède. Je suis aussi un grand fan de Soundgarden, comme les autres je pense. Mais je vais manquer de place si je commence à mentionner même une infime partie de toutes mes influences !

Nos influences ne sont pas limitées à la musique d'ailleurs, nous sommes influencés par tout et n'importe quoi, les actualités, la philosophie, la nature, la science, les couleurs, et plein d'autres choses. Souvent, quand nous écrivons de la musique, on la voit en termes de couleurs et d'images plutôt que sous la forme de vers et refrains. Au fur et à mesure que nous explorons, les morceaux prennent forme et nous commençons à reconnaître en eux quelque chose qui nous donne une base pour la chanson. C'est difficile à expliquer sans avoir l'air d'une clique de stoners mais c'est la vérité.

H&K : A propos des influences -- la chanson The Medicine Wears Off fait penser à Radiohead et Thom Yorke... est-ce intentionnel ?
The Medicine Wears Off


Jon : Vraiment ? Non, ce n'est certainement pas intentionnel, mais je peux voir la comparaison. C'est vrai que cela rappelle la façon qu'il a de se déplacer très harmonieusement sur le plan vocal, avec beaucoup de changements chromatiques... c'est probablement l'une des choses que j'admire le plus chez Radiohead, mais je ne pense pas que cela ressemble à quelque chose qu'ils ont fait directement, du moins je l'espère... Medicine devait effectivement être utilisé au milieu de The Caudal Lure comme un bridge entre la première partie et la fin plus sombre, mais nous avons fini par l'utiliser comme une piste d'introduction à The Caudal Lure. Je suis content que nous ayons pu l'inclure de la sorte, car c'est typiquement quelque chose qui serait passé à la trappe sur Themata, et nous voulons être maintenant en mesure de donner à chaque album son propre son !

H&K : Exhauceur de souhait #2 : quel est le groupe pour lequel vous aimeriez ouvrir ?
Jon : Yanni. Non je plaisante, sans doute Soundgarden ou Muse peut-être ? Les deux groupes sont géniaux sur scène et je pense que leur public comprendrait d'où nous venons en tant que groupe.

H&K : Vos albums proposent des morceaux souvent longs et élaborés, servis par une écriture riche et colorée, mais on y trouve aussi des arrangements relativement complexes qui semblent présenter un sérieux challenge quand il s'agit de les transposer sur scène. Comment gérez-vous cela ?


Jon : En fait, nous avons maintenant des pédales qui pourraient sans doute équiper le Millenium Falcon, haha. Nous avons également pas mal de samplers et autres gadgets midi juste pour jouer Sound Awake en concert, y compris un xylophone midi, un vieux Moog, un séquenceur SPD et plein d'autres trucs. Fondamentalement, on n'a pas beaucoup pensé à ce genre de considération quand on a enregistré et on a commencé à déconner avec des instruments supplémentaires et des samples. C'est devenu un peu difficile quand est venu le temps de jouer en live, mais nous avons réussi à garder la plupart des samples et les instruments principaux samplés en direct, en temps réel et pas juste sur une piste Pro-Tools. Il reste une piste d'accompagnement, mais c'est surtout pour des synthés et quelques obscurs samples qui ne pouvaient pas être reproduits en direct.

Hos a un pick-up GK sur sa guitare qui lui permet de jouer la plupart des lignes midi de l'album, et quelques-uns des samples sont en fait des guitares avec des effets bizarres qui sont faciles à reproduire. Le seul problème, c'est quand il faut commencer à tourner les boutons des pédales en plein concert... Drew avait ce problème sur un passage de Change, parce qu'en studio, notre producteur avait tout manipulé sur son Z-Vex Fuzz Factory. Il a finalement résolu son problème en achetant une pédale appelée "Third Hand", qui se présente comme une pédale wah-wah, mais qui est munie d'un fil qui se déplace lorsque vous appuyez sur la pédale. Très élégant comme design.

H&K : Vous avez été sélectionnés pour faire partie de la bande originale du film "Saw 7". Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le contexte ? Allez-vous proposer un morceau existant, ou allez-vous écrire une nouvelle chanson pour cette occasion ?

Jon : Ils ne nous ont jamais approché dans le but d'écrire un morceau spécialement pour le film, cela n'arrive pas très souvent et jamais à nous en tout cas, bien que j'aimerais relever ce genre de défi. A ma connaissance, ils ont choisi Goliath et je ne sais pas où cela apparaitra ni dans quel contexte, mais je suis sûr qu'ils vont l'utiliser avec goût, haha. Je suis un grand fan des Saw, surtout le premier -- vous savez que la série a commencé comme un projet de deux gars de Melbourne ? Ils ont vendu les droits de la franchise après le premier film. C'est incroyable comme les gens veulent utiliser votre musique pour tout et n'importe quoi, nous avons été sollicités à un moment par un lutteur qui voulait utiliser une de nos chansons pour son entrée sur le ring... je sais pas trop où en est la négociation. Mais on aimerait avoir notre musique sur un jeu vidéo, j'ai toujours pensé que certains de nos morceaux heavy étaient bien adaptés à ce genre de support.

H&K : Comment organisez-vous votre vie de groupe avec deux membres impliqués dans d'autres formations (Birds of Tokyo + Pendulum) ?

Jon : C'est vrai que Ian est impliqué dans Birds of Tokyo. Drew et moi-même avons fait une apparition sur Hold Your Colour, la chanson-titre. Je suppose que nous n'avons pas d'autre choix que de suivre une organisation sans faille, car entre Birds Of Tokyo et nous, on a tendance à être bookés toute l'année... Parfois, je me sens désolé pour Ian et je me demande si viendra un moment où il finira dingue et se transformera en ermite dans une grotte sur une île éloignée, à bouffer du poisson cru, des algues et des noix de coco... C'est vrai que notre situation est spéciale, mais nous avons appris à bien la gérer, surtout grâce à la capacité des deux groupes à écrire indépendamment de Ian, ce qui rend les choses plus efficaces.

H&K : Peut-on s'attendre à vous voir en tournée en Europe dans un futur proche ?
Jon : Oui ! Nous arrivons en Europe en décembre de cette année et nous faisons une série de concerts dans plusieurs pays. Je ne suis pas sûr du nombre exact de dates ou si tous les concerts sont bookés, mais nous allons commencer en France et terminer en Allemagne, en passant par au moins quatre autres pays si tout va bien. Nous en sommes très heureux, même s'il fera plus froid qu'en Australie... mais c'était une grande expérience culturelle la dernière fois et on est très impatients de recommencer.

H&K : Un petit update sur le troisième album ? Un chti teaser à partager ?
Jon : Il est certainement en gestation, il est trop tôt pour dire quel genre d'album ce sera... nous sommes en train d'écrire, de jammer et de voir ce que nous produirons cette fois-ci. Je sais que nous désirons ardemment écrire de la musique plus intense cette fois-ci, mais pas nécessairement plus heavy. Nous étendons de plus en plus notre palette musicale et nous aimerions continuer d'expérimenter... pour notre bien et pour celui de nos fans !

H&K : Merci d'avoir partagé ces quelques moments avec nos lecteurs... on espère vous voir bientôt de par chez nous !

Jon : Merci, ce fut un plaisir.

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